[DONNER DE LA VOIX] ... à Yves et Florian Torrès, fondateurs des éditions du Typhon

En préambule à la rencontre du 14 juin autour des éditions du Typhon, nous donnions de la voix à Florian et Yves Torrès, fondateurs et éditeurs de la maison, avec quelques questions...


[ Vos plus grands souvenirs de lecteurs ? ]

Au cœur des ténèbres de Conrad

Gatsby le magnifique de F.S Fitzgerald

La bâtarde de Violette Leduc

Le Volcan de Klaus Mann

 

[ Un endroit / moment idéal pour lire ? ]

Chez soi, au calme, sans portable.

 

[ Silence, bruits, musique ? ]

En silence.

 

[ Qu’est-ce qui a déclenché chez vous l’envie d’être éditeurs ? ]

Deux choses : la rencontre avec des textes et le désir de faire des choses par nous-mêmes, de choisir, de publier et de défendre ce que l’on souhaite vraiment.

 

[ « Le Typhon »… Pourquoi ce nom ? ]

Pour le livre de Joseph Conrad, pour l’idée de la tempête et pour une phrase d’une amie japonaise qui nous avait raconté que le passage d’un typhon révèle les traces du passé. On aime bien cette image qui colle bien avec la ligne éditoriale de la maison.

 

[ Une date importante pour la maison ?  ]

Il y en a plusieurs : le premier livre publié (fin 2018), le premier prix littéraire (fin 2019), la Covid et le confinement, le jour même du lancement de notre premier premier roman Le chien noir de Lucie Baratte !

Mais étrangement, ce serait l’été 2018 qui correspond à la construction du projet éditorial, au moment où l’aventure démarrait vraiment avec le travail sur la traduction de notre premier livre, l’aspect visuel de la maison et la prospection pour se faire connaître auprès des librairies.

 

[ Un catalogue qui vous inspire ? ]

Corti, Pauvert, Losfeld, la collection Feux croisés chez Plon dans un passé moins immédiat, et plus proche de nous, la génération d’éditeurs qui précède la nôtre. On se reconnait beaucoup dans la façon de faire les livres, de dénicher des textes de maisons comme le Nouvel Attila, etc.

 

[ La devise de la maison ? ]

Depuis un an on utilise un petit slogan que l’on aime bien pour notre nouvelle collection Soleils noirs « Découvrez des voix qui portent en elles l’orage ». Ça colle bien à nos textes et à nos auteurs.

 

[ Un objet indispensable à une bonne journée dans vos vies d’éditeurs ? ]

Des carnets. On fait beaucoup de liste qui nous servent à noter des noms d’auteurs, d’autrices, de livres que l’on croise dans notre parcours de lecteurs. Cela nous permet de faire un travail de déchiffrage et nous entraine, parfois, sur des projets de publication.

 

[ Quel mot revient le plus dans votre journée de travail ? ]

Impossible de répondre à cette question.

La vie d’un petit éditeur est tellement touche à tout, qu’il n’y a pas une journée qui se ressemble.

On travaille sur les textes, on fait la mise en page, on fait la surdiffusion, on fait de l’administratif, on va à la poste, on part en déplacement, on réalise les supports de communication etc.

 

[ Un mot tabou ? ]

Aucun.

 

[ Quel est le meilleur moment de la vie d’un livre publié au Typhon ? ]

Certainement le moment où l’on déniche un texte qui deviendra un livre, où l’on découvre un auteur qui nous captive, les moments d’échanges entre nous pour comprendre comment nous allons défendre le livre, la recherche des partenaires, traducteurs, illustrateurs, etc.

 

[ Et le moment que vous redoutez dans la vie d’un livre que vous éditez ? ]

La mise en vente forcément mais aussi le délais des trois mois après la sortie du livre qui peut être très compliqué avec la surproduction éditoriale qui fait qu’une nouveauté en chasse une autre. On se bat contre la durée de vie limitée d’un livre qu’imposent les pratiques actuelles. 

 

[ Que représentent pour vous les auteurs que vous publiez ? ]

Ils sont au centre du projet (les traducteurs aussi !), on les voit comme des compagnons de route. On publie à la fois des auteurs du passé et des auteurs contemporains ; comme nous publions peu, chaque livre est un véritable défi. On fait tout notre possible pour qu’ils trouvent un maximum de lecteurs.

 

[ Comment abordez-vous la question du livre en tant qu’objet ? ]

Ça été à la base de la création de la maison. On voulait vraiment un graphisme particulier qui ne ressemble pas à ce qui existe déjà. Depuis le début de notre aventure éditoriale, on accorde une grande importance à la relation avec les illustrateurs. En fonction du livre, on cherche différentes ambiances, parfois grâce à de l’illustration, parfois grâce à de la typographie. On fait pas mal de recherches dans l’utilisation de la couleur aussi. On cherche à susciter de la curiosité chez le lecteur. La couverture du livre doit résonner avec l’ambiance du livre. 

 

[ 3 titres indispensables du catalogue ? ]

Et frappe le père à mort de John Wain. Un texte du mouvement littéraire anglais des Angry young men. Ce livre nous a valu notre premier prix littéraire. Ça parle d’émancipation, de musique et de relations familiales.

Le Chien noir de Lucie Baratte. Un premier roman français ; une sorte de relecture de Barbe bleue mixé avec le Marquis de Sade, c’est sombre et beau. Lucie Baratte parle d’émancipation féminine de façon très originale en puisant dans notre imaginaire collectif.

Les désirs flous de Dola de Jong. On entreprend un travail de traduction de l’œuvre de cette romancière néerlandaise à la vie trépidante. Celui-ci est le premier. Une écriture très particulière, très pudique au service d’une histoire d’amour entre deux femmes avant la Seconde guerre mondiale.

 

[ 3 perles cachées du catalogue ? ]

L’Étrange féminin, un collectif de 6 autrices (Bérengère Cournut, Marie Cosnay…) réunies par Lucie Eple (qui a créé une librairie à Paris depuis, Le pied à terre) qui rendent hommage à travers des textes de fiction à la littérature fantastique au féminin.

Un temps pour mourir d’André Masson. Un auteur de l’île Maurice peu connu en France. Un texte rempli de bruit et de fureur, un western écologique mené tambour battant.

Plus jamais nuit de Mirko Bonné. Une œuvre délicate et sensible d’une voix importante de la littérature allemande contemporaine. Un voyage d’Hambourg jusqu’à la Normandie.

 

[ S’il y avait un mot, une idée, une ligne qui soit un lien entre tous les titres du catalogue, ce serait… ]

Nos romans mettent souvent en scène des individus en prises avec la société de leur temps. Le rapport à l’émancipation traverse donc de nombreux textes de notre catalogue. Nous avons également un goût prononcé pour l’étrange et pour les textes qui tapent et qui surprennent.

 

[ Comment on se sent quand on est une jeune maison d'édition indépendante en 2023 ? ]

Nous avons la chance d’être bien soutenu par un réseau de libraires fidèles et qui sont au fait de la réalité économique d’une structure comme la nôtre. On se bat beaucoup pour obtenir de la visibilité, on fait beaucoup de médiations, de rencontres pour faire connaître nos livres.

C’est passionnant, épuisant aussi.

La situation économique que tout le monde traverse est évidemment très compliquée notamment avec l’explosion du prix du papier. La concentration dans le monde de l’édition interroge également, elle menace la diversité éditoriale et nous inquiète fortement.

 

[ Une question à laquelle vous auriez aimé répondre ? ]

Non, tout est parfait !

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Une rencontre... c'est quand ?

Des images... c'est où ?