[ENTRE NOUS] #23
Éric Dumas fait partie des
libraires dont on se sent proches à plusieurs titres : d'abord on a la même
conception de la librairie : avant tout un métier de choix et de relation
humaine ; ensuite il a grandi tout près d'ici, à Volx, même s'il est
libraire un peu plus loin dans la région (après avoir repris à Tarascon la
librairie générale Lettres vives, il a repris depuis peu une petite librairie
BD à Avignon, la Crognotte rieuse). Enfin, il est notre président bien-aimé à
l'association Libraires du sud, qui regroupe les librairies indépendantes de la
région PACA. Comme tout bon libraire, il est plus enclin à déguster qu'à créer,
à lire qu'à écrire, mais il a bien voulu se prêter à notre petit jeu.
[Ce temps de
confinement et d’intériorité est-il propice à la créativité ?] La
créativité n’est pas mon fort en
règle générale. Je veux bien avoir quelques qualités mais pas celle-là !
Je suis admirateur de tous les créateurs, de l’inventeur du dimanche jusqu’au
compositeur de musique, en passant bien sûr par l’écrivain : comment
fait-on pour inventer quelque chose qui n’existe pas ? ça me dépasse.
[Une musique qui fait
du bien ?] Beaucoup de mal à dépasser la musique que j’écoutais quand
j’étais ado à Volx, mais en ce moment j’ai grand plaisir à réécouter Boris Vian
qui chante Boris Vian, ça donne de l’énergie.
[Une sensation qui
te manque ?] Une caresse
[Ce que tu apprécies
le plus chez tes voisins ?] Souvent de ne pas en avoir. En ce moment
cependant, je rêve d’en avoir pour partager un apéro d’un côté et de l’autre
d’un mur de clôture.
[La pensée qui te
traverse le plus souvent ?] Celle de la vanité de notre monde et de nous
tous qui nous croyons tout permis et qui sommes réduits aujourd’hui à nous
trimballer en chaussettes en tournant en rond chez nous en regardant des vidéos
de la nature qui reprend sa place.
[Le livre qui
manque à ta bibliothèque ?] Je ne
me suis jamais constitué à proprement parler une bibliothèque, parce que je ne
relis pas et que je n’ai pas vraiment le goût de posséder. Et encore moins
depuis que je suis libraire car depuis j’ai la fausse impression que j’ai tous
les livres que je veux… mais à la librairie. La période que nous vivons me
rappelle que ce n’est pas ma bibliothèque car inaccessible.
[Et celui que tu es
heureux d’avoir…] Celui que je collectionne malgré tout et que j’ai le plus
offert, c’est L’homme qui plantait des arbres que j’achète dans toutes
ses versions, y compris en langue étrangère. L’école m’a dégoûté de Giono quand
j’étais en 5ème au Mont d’Or en me faisant lire Jean le Bleu.
J’ai renoué avec lui, bien plus tard, grâce à Elzéar Bouffier. Je n’ai jamais
réessayé de relire Jean le Bleu : une idée pour le
confinement ?
[Tes lectures
sont-elles différentes en ce moment ?] Des lectures plus courtes, ou
plutôt des temps de lecture plus courts. Difficile de me concentrer sans être
parasité par tous les questionnements personnels et professionnels de
l’extérieur et de l’avenir proche, de l’envie de taper sur la table et de
hurler, pour l’imposer, qu’il faut tout changer dans notre prise de conscience
environnementale comme clé de toutes les autres réflexions.
[Sur ta table de
chevet, il y a…] il y a deux cartons pleins à côté de la table de chevet :
un rempli de bandes dessinées, l’autre de romans et d’essais. Je pioche et depuis
deux soirs je lis le dernier essai de Caroline Fourest et le dernier Le Clézio.
[La dernière
phrase que tu aies lue ?] Aucune idée !! je retiens plein de choses
inutiles, mais pas ça. Je me sens souvent bien nul quand certains sont capables
de citer des vers de poésie ou des extraits d’un livre.
[Nous
te laissons carte blanche pour réaliser la vitrine de la Carline, que
choisis-tu ?] Je ne vous rendrais pas ce service…
[A l’heure
actuelle, selon toi, la meilleure chose à faire ?] Accepter de ne rien
faire. Je rêve de savoir le faire sans avoir mauvaise conscience.