[DONNER DE LA VOIX] ... à Sabine Wespieser, fondatrice des éditions Sabine Wespieser

En préambule à la rencontre du 23 juin autour des éditions Sabine Wespieser, nous donnons de la voix à Sabine Wespieser avec quelques questions...

[ Votre plus grand souvenir de lectrice ? ]

Ils sont nombreux, la lecture est mon activité favorite depuis très longtemps. Mais je me souviens bien de ma première nuit d’insomnie, adolescente, pour terminer La Chartreuse de Parme. De mon émotion, quelques années plus tard, en découvrant la traduction de L’Odyssée par Philippe Jaccottet, qui me rendait le texte d’Homère si proche, si familier. Et, plus récemment, de la journée passée en apnée quand Edna O’Brien m’a envoyé le manuscrit de Girl… dont j’ai publié en septembre 2019 la traduction française, couronnée par un prix Femina spécial pour l’ensemble de l’œuvre de l’immense Irlandaise.

 

[ A quel moment êtes-vous « devenue éditrice » ? ]

Plusieurs réponses, là aussi : sans doute, quand, assistante d’Hubert Nyssen chez Actes Sud jusque là, j’ai été « promue » et que j’ai lu le mot « éditrice » sur ma carte de visite. Je devenais editor, dans l’acception anglaise du mot, garante des textes que je découvrais et publiais.

Puis est arrivée la création de ma propre maison : je me suis alors retrouvée publisher (éditrice toujours, mais cheffe de maison).

Et enfin, ce jour de 2008, quand Nuala O’Faolain, qui se savait très malade, m’a demandé de devenir son exécutrice littéraire, elle m’a offert une belle légitimité (la maison avait 6 ans à peine) et aussi une belle responsabilité.


[ Une maison d’édition qui porte votre nom… pourquoi ? ]

Les maisons portent souvent le nom de leur fondateur : Gallimard, Grasset, Denoël, P.O. L (de manière plus pérécienne, sans doute…)


[ Une date importante pour la maison ? ]

Nous avons signé les statuts de la maison, avec mon associé Jacques Leenhardt, le 11 septembre 2001… autant dire que je préfère retenir le 26 août 2002, date de parution des premiers livres : La Vie de Mardochée de Löwenfels écrite par lui-même, le premier roman de Diane Meur et Baptiste de Vincent Borel. Les deux auteurs sont devenus des piliers du catalogue.


[ Un catalogue qui vous inspire ? ]

Les catalogues exigeants et cohérents de Minuit, P.O.L, Verdier, Corti…


[ La devise de la maison ? ]

On a toujours 20 ans…

 

[ Un objet indispensable à une bonne journée dans votre vie d’éditrice ? ]

Ma théière, toujours posée sur mon bureau.

 
 

[ Quel mot revient le plus dans votre journée de travail ? ]

Inavouable

 

[ Et un mot tabou ? ]

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[ Quel est le meilleur moment de la vie d’un livre publié chez Sabine Wespieser ? ]

La première lecture, bien sûr. Quand il s’agit d’un auteur que j’accompagne depuis longtemps, et ils sont nombreux, le plaisir est immense de voir leur œuvre se déployer, leur univers s’affirmer et leur langue se préciser. L’émotion est grande aussi, à la découverte d’un nouvel écrivain : je publie pour la rentrée prochaine le premier roman de la Valaisanne Sarah Jollien-Fardel, découvrir son écriture âpre, ancrée dans les montagnes où elle vit, a été un vrai choc.

C’est dans ces premières lectures, suivies bien sûr de quelques autres, pour la mise au point des manuscrits qui deviendront des livres, que je puise l’énergie de les défendre.


[ Et le moment que vous redoutez dans la vie d’un livre publié chez Sabine Wespieser ? ]

Il y a bien sûr des moments de doute, de déception, quand je ne parviens pas à faire partager mon enthousiasme de lecture… le prix que j’accorde à chaque texte n’en est pas moindre.


[ Que représentent pour vous les auteurs que vous publiez ? ]

Des créateurs, des artistes que j’admire et dont la confiance m’honore.


[ La charte graphique de vos publications n’a pas pris une ride depuis 20 ans ! Comment abordez-vous la question du livre en tant qu’objet ? ]

Comme le grand vecteur du plaisir du texte. L’objet livre a en effet été soigné dès la création de la maison : nous avons pensé, avec Isabelle Mariana, la créatrice de la ligne graphique, et l’imprimerie Paillart, qui imprime tous nos livres depuis 20 ans, au confort de lecture et à la solidité des matériaux, donc à la pérennité des textes.

Il m’arrive de lire en format numérique, j’avoue que mon plaisir est moindre… et notamment celui qu’apporte le feuilletage aléatoire d’un texte de littérature qu’on hume avant de s’y plonger.


[ 3 titres indispensables du catalogue ? ]

Joker


[ 3 perles cachées du catalogue ? ]

Un certain Felloni (2004) de Michèle Lesbre

Une heure pour l’éternité (2008) de Jean-Claude Fignolé, auteur haïtien disparu trop tôt.

Le Meilleur des jours, de Yassaman Montazami (un premier roman paru en 2012, je suis sûre que le deuxième viendra : éditer, c’est aussi savoir attendre)


[ S’il y avait un mot, une idée, une ligne qui soit un lien entre tous les titres du catalogue, ce serait… ]

Mon catalogue me ressemble sans doute… et il est bien difficile pour moi de vous proposer mon portrait chinois. Disons que je suis par-dessus tout attachée à l’harmonie que peut faire naître une écriture. Cela laisse un vaste terrain de jeux : ce qui lie les textes symphoniques comme ceux de Duong Thu Huong à la musique de chambre de Michèle Lesbre, c’est sans doute la justesse de la note.


[ Comment on se sent quand on est éditrice indépendante en 2022 ? ]

Vigilante

 

[ Un endroit / moment idéal pour lire ? ]

Partout


[ Avec quelle musique ? ]

Du piano…


[ Une question à laquelle vous auriez aimé répondre ? ]

Toutes celles que vous me poserez en juin.

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Une rencontre... c'est quand ?

Des images... c'est où ?