[ENTRE NOUS] #20


Julia Woignier est illustratrice et autrice d’albums pour la jeunesse. Nous avons eu la chance de la côtoyer lors de sa résidence d’illustration en pays de Forcalquier, à l’invitation de l’association Croq’livres. Outre un talent indiscutable pour faire des livres intelligents, colorés, malicieux, Julia est une autrice généreuse que nous aimons lire et avec laquelle nous sommes heureux de garder le contact. Son dernier ouvrage, « Camping sauvage », publié aux éditions Seuil jeunesse, faisait l’objet d’un article et d’un entretien dans le numéro 84 de la revue Citrouille. Il s’ouvrait sur ces mots simples, forts : « Face à l’imprévu, on est forcés d’improviser »…

[Ce temps de confinement et d’intériorité est-il propice à la créativité ?]  J'ai besoin de sortir flâner, de goûter différents états de concentration, de travailler dans divers endroits… de prendre du recul par rapport à mes idées. Le confinement pour l'instant c'est plutôt l'inverse des conditions idéales. Mais ça permet de faire quand-même tout un tas de petites choses qui n'ont l'air de rien et de renouer avec plein de gens éloignés.

[Sur quel projet travailles-tu actuellement ?] Je viens de passer une période de bouclage, je n'ai pas encore de nouveau projet très défini mais j'ai une contrainte précise : je touche le fond de mon stock de papier, j'ai donc commencé une série d'images microscopiques pour économiser…

[Une musique qui fait du bien ?] Tout dépend du « bien » recherché.  L'antidote au confinement ça serait Le Danzon (n°2) d'Arturo Marquez, parce que ça respire, ça agrandit l'espace et ça a sur moi plus d'effet qu'un concentré de vitamines, surtout dans les moments où l'orchestre se déchaîne. Et aussi une tarentelle ou une pizzica (celles de l'ensemble de Christina Pluhar) pour le quart d'heure de folie de la fin de journée.

[Un film auquel tu penses beaucoup ?] « Les nouveaux sauvages ».

[Un bruit qui te rassure ?] Le tout petit bruit de l'eau chaude qui imprègne le café moulu, ça rappelle un peu le bruit du sable quand la vague se retire, une sorte de léger clapotis de bulles d'air.

[Une sensation qui te manque ?] Celle d'enfourcher mon vélo et de partir avec un petit vent de liberté sur le visage.

[Le livre qui manque à ta bibliothèque ?] Aujourd'hui j'aurais bien lu « Cosmicomics » de Calvino et aussi « Les intermittences de la mort » de Saramago. Il manque beaucoup de livres à ma bibliothèque, j'espère d'ailleurs ne jamais me dire qu'elle est complète…

[Et celui que tu es heureuse d’avoir…] Difficile d'en isoler un. Lettres de l'écureuil à la fourmi (de Toon Tellegen), Ursin et Ursulin (de Zbynec Cernik), La course (de Cho Eun Young), Pierre-Crignasse (par Atak), La petit épopée de pions (de Audren), Les rhumes (d'André François) bien sûr et... Cent ans de solitude, vu le contexte.
Je ne relis pas trop les romans et j'aime bien les faire circuler. L'idéal ce sont les livres dont on oublie le contenu, mais dont on se rappelle le plaisir qu'on a eu à les lire. S'il fallait partir en urgence et ne choisir qu'un livre cette question me mettrait vraiment en retard !

[Tes lectures sont-elles différentes en ce moment ?] J'ai décidé de donner une seconde chance aux livres que j'ai abandonné en cours de route. Alors oui, d'une certaine manière, je m'attends à des surprises.

[Sur ta table de chevet, il y a…] Des carnets de croquis et des feutres (un peu secs) pour pouvoir saisir les idées au vol avant de dormir.

[La dernière phrase que tu aies lue ?] Elle sera courte : « Mais alors, serais-je un grain de sable ? » (réflexion d'un caillou dans Les voyages de Tulipe, de Sophie Guerrive,  2024).

[Si tu avais le choix, aujourd’hui, tu serais…] Un oiseau ! Je crois que c'est le moment où jamais.

[A l’heure actuelle, selon toi, la meilleure chose à faire ?] Essayer de rester libres quoiqu'il arrive et solidaires.