[ENTRE NOUS] #43


Dans le pays de Forcalquier, il est inutile de présenter Pierre Lieutaghi : chacun-e sait qu'il est un grand ethnobotaniste, concepteur des jardins du Prieuré de Salagon, auteur de nombreux livres très savants sur la flore occidentale, méditerranéenne et provençale, et ses usages, aux éditions Actes Sud. Mais tout le monde n'a pas la chance d'habiter Forcalquier ! et même ici, certain-e-s ne savent pas qu'il est en outre poète et philosophe à ses heures et auteur d'un beau roman paru en 2014, "Elio". Enfin, c'est un ami fidèle de la Carline, où il est invité à chaque nouvelle parution - souvenir ému de la présentation de l'édition augmentée de "Une ethnobotanique méditerranéenne", en 2017, où il inaugurait la nouvelle mise en scène de nos rencontres, confortablement installé dans un fauteuil bergère prêté par notre voisine tapissière.

[Ce temps de confinement et d’intériorité est-il propice à la créativité ?] Après le mois de mars en totale sidération, reprendre un livre a tenu lieu de feuille de nénuphar sur un étang trouble : j ’y ai passé un avril de grenouille.

[Sur quel projet travailles-tu actuellement ] Un essai qui était bouclé à la fin de février, du jour au lendemain relégué parmi les choses des Temps d’Avant. Je l’ai ajusté comme j’ai pu. C’est devenu une sorte de livre de passage, d’aide-mémoire.

[Une source d’inspiration dans ce contexte ?] Des choses sensées arrivées comme par mégarde dans le tsunami d’infos provoqué par le séisme Covid.

[Une musique qui fait du bien ?] Le chant de la fauvette à tête noire dans les buissons du village.

[Un film auquel tu penses beaucoup ] Peut-être “Mort à Venise”.

[Un bruit qui te rassure ?] Celui des feuilles du livre quand on tourne les pages.

[Une sensation qui te manque ?] Poser la main sur une épaule quand on fait la bise.

[En ce moment, ton principal trait de caractère ?] Une obstination d’âne qui cherche à atteindre la carotte suspendue devant son museau.

[Ce que tu apprécies le plus chez tes voisins ?] Leur absence.

[Ce que tu détestes chez eux ?] Idem.

[La pensée qui te traverse le plus souvent ?] Il faut garder confiance.

[Le livre qui manque à ta bibliothèque ?] Celui que je n’ai pas encore commandé à La Carline.

[Et celui que tu es heureux d’avoir...] Je préfère plein de livres.

[Tes lectures sont-elles différentes en ce moment ?] Comme bien d’autres, je découvre des textes jamais lus de ma bibliothèque, ainsi “‘Je vivrai l’amour des autres”, de Jean Cayrol. J’ai même lu un truc d’Érik Orsenna et en reste triste pour l’Académie française.

[Sur ta table de chevet, il y a…] Le théâtre complet de Molière, un verre d’eau, des médocs pas terribles, mon ange gardien.

[La dernière phrase que tu aies lue ?] Érasme, cité par Bronislaw Geremek : “La charité consiste à traiter tous ses semblables comme les membres d’un même corps”.

[Nous te laissons carte blanche pour réaliser la vitrine de la Carline, que choisis-tu ?] Les mémoires d’enfance de Dolores Prato, "Bas la place y’a personne".
 
[Une astuce ? Un « bon plan » de confinement ?] Biner le petit jardin dit “intérieur”, qui se prolonge loin dans la rue.

[Si tu avais le choix, aujourd’hui, tu serais...] Hirondelle.

[Une urgence, là, maintenant ?] Une bière blanche avec une rondelle de citron.

[A l’heure actuelle, selon toi, la meilleure chose à faire ?] Retourner au réel, casser les écrans, en finir avec le numérique.