[ENTRE NOUS] #37


Emmanuelle Pol a écrit cinq romans, tous publiés aux éditions Finitude. De son œuvre discrète émerge une touche particulière, une écriture charnelle, sensuelle, puissante. Emmanuelle Pol se place le plus souvent au cœur de l’intime. Son dernier roman, « Le prince de ce monde », tout juste paru, n’échappe pas à la règle et questionne notre rapport au bien et au mal, par le récit de la vie d’une femme sous l’emprise d’un homme revêtant tous les atours du Diable. Une fable contemporaine qui transporte brillamment, dans une langue envoûtante, autant de questionnements sur soi et sur les aspirations d’un monde de plus en plus tourné vers les extrêmes…


[Ce temps de confinement et d’intériorité est-il propice à la créativité ?] Pas du tout, malheureusement. Au contraire, ma créativité est à l’arrêt et je ne parviens à pratiquer ni l’écriture, ni le dessin qui est pourtant une activité que j’adore. Pas de « Journal de confinement » ou de roman sur l’enfermement à attendre de mon côté donc !

[Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?] Comme indiqué précédemment, je suis au point mort pour le moment. Il faut dire que l’écriture du « Prince de ce monde », entamée voici presque 4 ans, m’a énormément coûté, j’ai sué sang et eau et jeté plusieurs versions pour trouver une forme qui me convienne sur ce thème difficile.
J’avais commencé cet automne une sorte de roman policier un peu dépressif, mais je n’ai pas trouvé le mobile qui aurait poussé l’espionne chinoise lesbienne à tuer l’homme d’affaires turc, donc je l’ai laissé en plan. Je réfléchis aussi parfois à une pièce de théâtre un peu spirituelle, un peu politique…
On verra !

[Une source d’inspiration dans ce contexte ?] Aucune. La liberté me manque, je survis.

[Une musique qui fait du bien ?] Très curieusement, Miles Davis, que je n’écoute pas beaucoup d’habitude. Et mon compagnon qui joue de la guitare dans la pièce d’à côté.

[Un film auquel vous pensez beaucoup ?] Pas de film, mais la grande salle du Cinéma Vendôme à Bruxelles, avec ses fauteuils en skaï rouge, sa moquette usée et ses ouvreuses, les mêmes depuis 20 ans.

[Un bruit qui vous rassure ?] Les petits bruits des voisins dans l’immeuble où j’habite.

[Une sensation qui vous manque ?] Celle d’un beau brushing de mon coiffeur !

[En ce moment, votre principal trait de caractère ?] Une alternance de hauts et de bas encore plus pénible que d’habitude.

[Ce que vous appréciez le plus chez vos voisins ?] Leur présence familière.

[Ce que vous détestez chez eux ?] Le gamin qui joue au basket dans le salon, au-dessus de ma tête. Mais étant donné que moi-même, je saute à la corde sur la tête de la voisine du dessous…

[La pensée qui vous traverse le plus souvent ?] La révolte.

[Le livre qui manque à votre bibliothèque ?] Celui que j’aurais trouvé en fouinant chez mon bouquiniste préféré.

[Et celui que vous êtes heureuse d’avoir…] Immodestement, mon « Prince », avec sa belle couverture, qui a réussi à naître juste avant la catastrophe.

[Vos lectures sont-elles différentes en ce moment ?] Oui, car comme beaucoup de gens j’ai fait du tri dans ma bibliothèque et exhumé pas mal de livres non lus.

[Sur votre table de chevet, il y a…] Des somnifères, de la crème pour les mains, un recueil de nouvelles vietnamiennes reçu il y a 10 ans et jamais lu, et le PDF d’un livre à paraître super chouette que Finitude a eu la gentillesse de m’envoyer.

[La dernière phrase que vous ayez lue ?] « Après cette affaire, les hasards de la vie m’ont poussé vers d’autres chemins. J’ai fait autre chose. » (dans le recueil de nouvelles vietnamiennes).

[Nous vous laissons carte blanche pour réaliser la vitrine de la Carline, que choisissez-vous ?] Une vitrine gourmande, variée, colorée, pour les lecteurs affamés.

[Une astuce ? Un « bon plan » de confinement ?] Les séquences de fitness de la Youtubeuse Sissy Mua, elle est rigolote et mignonne, les exercices sont bons et il y a la Méditerranée derrière.

[Si vous aviez le choix, aujourd’hui, vous seriez…] Sur une terrasse avec un café et des gens autour.

[Une urgence, là, maintenant ?] Des changements politiques majeurs.

[A l’heure actuelle, selon vous, la meilleure chose à faire ?] Ne rien perdre pour attendre.