[ENTRE NOUS] #33
Laurent Rivelaygue est graphiste, et auteur. Avec Olivier
Tallec, ils forment le tandem à l’origine des "QuiQuoi", une série de bd irrésistible éditée par
Actes sud junior. En ce début d’année, il a publié le roman le plus drôle de
l’année (si si, on n’a rien inventé de plus drôle depuis…) : « Albert
et l’argent du beurre », aux éditions du Sonneur. Un remède absolument
imparable à la monotonie qui, sous des airs sauvagement loufoques, dessine
quelques traits un peu piquants de notre société. En fait, on doit l’avouer, on
ne connait pas personnellement Laurent Rivelaygue. Ce qui ne nous empêche pas
de l’adorer.
[Ce temps de confinement et d’intériorité est-il propice à
la créativité ?] Non, pas pour moi, je traîne. Je travaille très
mollement, je repousse tout (voyez-le temps que j’ai mis à vous répondre), même
s’il va falloir que je m’y mette à un moment, pour le moment je gère un flux de
travail sans entrain.
[Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?] Sur un
roman basé sur une histoire réelle. Un truc très compliqué dont je ne sais pas
encore comment je vais me sortir. Et sur l’adaptation de notre série pour
enfants, « les Qui Quoi », avec Olivier Tallec, en animation.
[Une source d’inspiration dans ce contexte ?] Les mêmes
que d’habitude, j’observe, je lis, j’écoute, je ne prends pas de notes et
j’oublie, et après, parfois, ça me revient. Je perds beaucoup de choses comme
ça. Le seul truc qui manque, ce sont les bars. J’aime bien pêcher des mots
là-dedans, surtout le matin, très tôt, c’est une mine.
[Une musique qui fait du bien ?] J’en écoute beaucoup,
mais jamais dans l’idée de me faire du bien. D’ailleurs j’écris très rarement
en musique. Parfois Érik Satie, c’est bien, ça a l’air simple, il n’y a pas de
mots, je connais par cœur, les notes sont au bon endroit, ça ne me détourne de
rien.
[Un film auquel vous pensez beaucoup ?] Aucun.
[Un bruit qui vous rassure ?] Je n’ai pas besoin d’être
rassuré. Enfin en tous cas je ne cherche pas ça. Le matin très tôt j’entends
les oiseaux depuis mon balcon, c’est pas mal et il faut en profiter, on n’en
parlera plus quand les voitures seront de retour. J’aime bien aussi le bruit
des gens qui s’engueulent dans la rue.
[Une sensation qui vous manque ?] J’aimerais bien
manger des fruits de mer, mais plus personne n’en vend, dans un périmètre
proche. Il reste le vin blanc, heureusement.
[En ce moment, votre principal trait de caractère ?] Placide
et mou.
[Ce que vous appréciez le plus chez vos voisins ?] Leur
discrétion.
[Ce que vous détestez chez eux ?] Quand ils me font
remarquer mon manque de discrétion.
[La pensée qui vous traverse le plus souvent ?] Il y en
a des milliards, ça s’entrechoque et c’est assez indémêlable. C’est au-dessus
de mes forces de faire un hit-parade.
[Le livre qui manque à votre bibliothèque ?] Dites-le
moi, vous, c’est votre boulot.
[Et celui que vous êtes heureux d’avoir…] Je suis content,
heureux ça fait beaucoup, d’avoir « Le dictionnaire du diable »,
d’Ambrose Bierce, c’est pratique, de temps en temps on l’ouvre, on lit quelques
définitions, c’est très drôle et très méchant. Tout le monde devrait avoir ça
dans ses toilettes.
[Vos lectures sont-elles différentes en ce moment ?] Oui,
je ne lis pas. Ou juste la presse et quelques âneries sur Facebook.
[Sur votre table de chevet, il y a…] Une boîte de kleenex
parce que je suis un peu enrhumé, «Francis Rissin» de Martin Mongin, «Jérôme»
de Jean-Pierre Martinet, et aussi, bizarrement, «Sans nouvelles de Gurb»
d’Eduardo Mendoza. Mais je ne sais pas comment il est arrivé là.
[La dernière phrase que vous ayez lue ?] Votre
question, pour essayer d’y répondre.
[Nous vous laissons
carte blanche pour réaliser la vitrine de la Carline, que
choisissez-vous ?] Des romans vraiment drôles, des photos de Martin Parr,
des citations d’Alexandre Jardin, un portrait d’Antoine Gallimard, les gens
vont avoir besoin de rire à nouveau.
[Une astuce ? Un « bon plan » de
confinement ?] Il y en a des pages qui viennent du gouvernement, c’est
assez drôle d’ailleurs. Non, je serais bien en peine de donner des conseils,
les gens ne vivent pas tous la même situation, ce serait un peu indécent, moi
j’ai la chance d’être un vieux sanglier et de m’accommoder sans trop de
problème de la solitude, d’avoir de l’espace et d’être occupé. Faire comme on
peut c’est déjà pas mal. Aider ceux qui le vivent plus mal c’est bien aussi.
[Si vous aviez le choix, aujourd’hui, vous seriez…] Sur une
île Grecque, sous le soleil, à la table d’une taverne au bord de l’eau, avec
une assiette de poulpe grillé.
[Une urgence, là, maintenant ?] Les urgences, en ce qui
me concerne, c’est un peu remis à plus tard. Après, c’est très compliqué cette
affaire, il y en a qui ont un besoin urgent de sortir, d’autres de gagner leur
vie pour pouvoir manger, d’autres encore de se protéger etc. Je n’aimerais pas
devoir gérer ce bordel.
[A l’heure actuelle, selon vous, la meilleure chose à
faire ?] Patienter. Facile à dire.